lundi 23 juin 2014

Louis LAVELLE (1883 - 1951)




Peu connu du grand public, Louis Lavelle est pourtant l’un des grands philosophes français du XXe siècle, et sans doute l'un de ceux qui, aujourd’hui, a le plus à nous dire.  Aucun philosophe de ce siècle n’a su montrer comme lui ce qu’est une spiritualité proprement philosophique, autrement dit une réflexion rationnelle qui élève l’âme et la met en face de la beauté et de la bonté supérieures. Il ne s’agit pas d’une spiritualité religieuse, comme celle des saints; le seul prédécesseur de Lavelle serait Malebranche (1638-1715), envers qui Lavelle a reconnu sa dette.
 Jean Guitton et le grand philosophe italien Leonardo Sciacca ont raconté que, pour rencontrer Lavelle, ils durent aller le voir dans un couvent près d’Avignon où il faisait retraite. Là, le philosophe réfléchissait dans le silence et dans la solitude. La pensée silencieuse de Lavelle, à certains égards très proche du taoïsme ou du bouddhisme, a aujourd’hui beaucoup à nous donner.
Louis Lavelle est né le 15 juillet 1883 à Saint-Martin de Villeréal (Lot-et-Garonne). Son père est instituteur, sa mère agricultrice. Boursier de la faculté de Lyon, il s’enthousiasme pour la pensée de Nietzsche. Il assiste aux cours de Brunschvicg et de Bergson.
 En 1909, il obtient l’agrégation. Réformé, il souhaite cependant pouvoir monter au front. Envoyé sur la Somme en 1915, puis à Verdun en 1916, il est fait prisonnier et rédige au camp de Giessen ce qui sera sa thèse de doctorat : La dialectique du monde sensible.
      Après avoir été professeur dans un lycée de Strasbourg, Louis Lavelle enseigne à Paris de 1924 à 1940. Il tient la chronique de philosophie du journal Le Temps et co-dirige chez Aubier la collection Philosophie de l’esprit. Il publie alors ses premiers grands livres : De l’être (1928), La conscience de soi (1933), La présence totale (1934), De l’acte (1937), L’erreur de Narcisse (1939).  De nombreux ouvrages paraîtront après la guerre tandis que se multiplieront les conférences à l’étranger. L’année même de sa mort, en 1951, sont publiés trois de ses principaux ouvrages : De l’âme humaine, Le traité des valeurs et Quatre saints.

Louis Lavelle : La présence de l'Etre


Dans ce texte, il nous invite à prendre conscience de la présence de l'Être."Il y a une expérience initiale qui est impliquée dans toutes les autres et qui donne à chacune d’elles sa gravité et sa profondeur : c’est l’expérience de la présence de l’être. Reconnaître cette présence, c’est reconnaître du même coup la participation du moi à l’être". ( Louis Lavelle)
Personne sans doute ne peut consentir à cette expérience élémentaire, en la prenant dans sa simplicité la plus dépouillée, sans éprouver une sorte de frémissement. Chacun avouera qu’elle est primitive, ou plutôt qu’elle est constante, qu’elle est la matière de toutes nos pensées et l’origine de toutes nos actions, que toutes les démarches de l’individu la supposent et la développent. — Mais, cette constatation une fois faite, on passe vite : il suffit désormais qu’elle reste implicite ; et nous nous laissons attirer ensuite par les fins limitées que nous proposent la curiosité et le désir. Ainsi notre conscience se disperse ; elle perd peu à peu sa force et sa lumière ; elle est assaillie de trop de reflets ; elle ne parvient pas à les rassembler parce qu’elle s’est éloignée du foyer qui les produit.

Notons toutefois que le propre de la pensée philosophique est de s’attacher à cette expérience essentielle, d’en affiner l’acuité, de la retenir quand elle est près d’échapper, d’y retourner quand tout s’obscurcit et que l’on a besoin d’une borne et d’une pierre de touche, d’analyser son contenu et de montrer que toutes nos opérations en dépendent, trouvent en elle leur source, leur raison d’être et le principe de leur puissance. Mais il est difficile de l’isoler pour la considérer dans sa pureté : il y faut une certaine innocence, un esprit libéré de tout intérêt et même de toute préoccupation particulière. Savoir qu’elle existe, ce n’est pas encore en réaliser la plénitude concrète, ce n’est pas l’actualiser et la posséder.

"La plupart des hommes sont entraînés et absorbés par les événements. Ils n’ont pas assez de loisir pour approfondir cette liaison immédiate de l’être et du moi qui fonde chacun de nos actes et lui donne sa valeur : ils la soupçonnent plutôt qu’ils ne la sentent ; elle n’est jamais pour eux l’objet d’un regard direct, ni d’une conscience claire ; et si parfois leur pensée vient à l’effleurer, ce n’est qu’un contact passager et dont le souvenir s’efface vite. Mais celui qui par contre a saisi une fois dans un pur recueillement et comme l’acte même de la vie la solidarité de l’être et du moi ne peut plus détacher d’elle sa pensée : le souvenir de ce contact en renouvelle la présence qui ne cesse plus d’ébranler son esprit et de l’éclairer. Que l’on ne dise pas que cette expérience est évidente et qu’elle doit être faite, mais qu’elle est stérile si on ne la dépasse pas aussitôt : elle contient en elle tout ce que nous pouvons connaître. Dès qu’elle est donnée, notre vie retrouve son sérieux essentiel en renouant ses attaches avec le cœur du réel, notre pensée, au lieu, comme on le croit, de s’appauvrir et de se vider, acquiert la certitude et l’efficacité en découvrant, dans chacune de ses démarches, l’identité de l’être qu’elle possède et de l’être auquel elle s’applique".(Louis Lavelle) dans "La présence totale"

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