vendredi 16 mai 2014

Jean-Paul Sartre et Simone De Beauvoir


Ils vivaient d'amour et de littérature : Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre formaient l'un des couples mythiques et anticonformistes du XXe siècle. Ils se sont rencontrés dans les amphithéâtres de la Sorbonne à la fin des années 20. Ils se présentent tous deux à l’agrégation de philosophie. Sartre est reçu premier de la promotion 1929 et de Beauvoir deuxième. Elle a vingt-et-un ans et lui, vingt-quatre et leurs destins sont liés pour plus de 50 ans.
La romancière et le philosophe ont partagé leurs vies, leurs idées et leurs combats, s’inspirant mutuellement et collaborant de manière fructueuse. Ils ont notamment voyagé dans le monde entier, surtout dans les pays communistes où ils ont notamment rencontré Mao ou Fidel Castro.

Jamais mariés

Mais la liberté reste le maître-mot de ce couple étonnant qui va multiplier les aventures sans les cacher à l'autre. Simone de Beauvoir a ainsi vécu plusieurs relations homosexuelles et une relation passionnée avec l'écrivain américain Nelson Algren pendant 15 ans.
"Sartre ne peut se concevoir sans Beauvoir, ni Beauvoir sans Sartre", a cependant déclaré Jean-Paul Sartre qui a multiplié de son côté les aventures amoureuses. Dans son roman L'Invitée (1943) largement autobiographique, Simone de Beauvoir raconte le ménage à trois que Sartre et Beauvoir ont vécu avec Olga Kosakiewitcz.

JALOUSIES ET MENSONGES

Tout faire, mais pour tout se dire ? Ou réinventer, peut-être, une stratégie de la vérité qui ne soit plus celle des "salauds" et des "bourgeois" ? Le livre raconte les Olga, Wanda, Bianca, Nathalie ("J'ai un goût très prononcé pour son corps", écrit Simone De Beauvoir), convoitées par l'un et l'autre. Il dit, aussi, les liaisons transatlantiques, les mimétismes, les jalousies, les mensonges. Lorsque Olivier Todd demande à Sartre comment il s'en sort avec ses femmes, l'auteur des Mots répond : "Je leur mens ; c'est plus facile, et plus décent." "Même au Castor ? insiste Todd. Particulièrement au Castor."
Ce qui paraît perturber les lecteurs du récit de Rowley, c'est bien cela : l'"hypocrisie" de "l'apôtre de la transparence", sa propre mauvaise foi et, vis-à-vis des autres, cette manie de singer les sentiments pour mieux railler ensuite. Quant à De Beauvoir, les contradictions entre Le Deuxième Sexe et sa vie restent ce qui, de ce côté-ci de l'Atlantique, déroute le plus : son homosexualité passée sous silence, et toutes ces femmes financièrement dépendantes, intellectuellement soumises, autant de petits pantins graciles...La vérité, mais pas toute. Un sentiment amoureux qui, suggère au fond le livre, reste opaque à toute économie morale. "O charme de mon coeur et de mes yeux, pilier de ma vie, ma conscience et ma raison. Je t'aime si passionnément, et j'ai besoin de toi." C'est Sartre dans une lettre à Simone De Beauvoir, en juillet 1938. Tout est dit. .
La publication de leur correspondance (Lettres au Castor en 1983 et Lettres à Sartre en 1990) a encore éclairé le couple sous un autre jour, choquant de nombreux admirateurs de leurs combats et de la liberté assumée de leur relation. Le couple ne s'est jamais marié. Sartre est mort en 1980, Simone de Beauvoir en 1986. Ils sont inhumés côte à côte au cimetière du Montparnasse à Paris.

 
 
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Enfin, sans renier pour autant son statut d’icône féministe, “Les Cahiers de Jeunesse” ont voulu restituer à Simone de Beauvoir toute sa dimension d’écrivain. Ces Cahiers tentent d’éclairer les différents genres dans lesquels son talent s’est exercé et soulignent un travail d’écriture souvent méconnu. La publication d’extraits de romans de jeunesse inédits, la découverte de manuscrits dont l’analyse permet de relire autrement romans, nouvelles et autobiographies, révèlent la constance d‘une vocation et le souci obstiné de la solution littéraire adéquate. Refusant les excès du tout biographique, ces Cahiers offrent néanmoins aux lecteurs des correspondances inédites, qui font le point sur les relations inventives que Simone de Beauvoir noua avec ses amours et ses amis. Des entretiens témoignant du désir qu’elle eut toujours de s’expliquer sur son oeuvre et sur sa vie, et de nombreux articles, publiés dans des revues ou quotidiens américains et français, illustrent ses engagements.
Ces Cahiers rendent compte des recherches, notamment anglo-saxonnes, qui ont sorti Simone de Beauvoir de l’ombre sartrienne et lui ont conféré une stature de philosophe à part entière.

jeudi 15 mai 2014

Mémoires d'une jeune fille rangée - Analyse


L’autobiographie suppose des modalités d’écriture très variées en raison de l’implication particulière de chaque auteur dans son propre texte. Néanmoins beaucoup choisissent une relation chronologique de leur vécu, ce qui les amène évidemment à évoquer en premier lieu leur naissance et leur petite enfance avec tous les écueils d’une mémoire défaillante. Ainsi Simone de Beauvoir a choisi d’évoquer sa vie d’enfant dans Mémoires d’une jeune fille rangée (1958). Quelle stratégie adopte-t-elle pour pallier les défauts de mémoire inhérents à ce genre d’exercice ?
Nous verrons tout d’abord qu’elle utilise les éléments vérifiables d’un récit chronologique confirmé ainsi dans sa vérité et sa sincérité. Puis nous étudierons le contexte dans lequel elle a évolué dès sa prime enfance et la manière dont celui-ci a contribué à l’édification de sa personnalité.

 Simone de Beauvoir entreprend sa biographie de manière classique, volontairement conventionnelle : « Je suis née à quatre heures du matin, le neuf janvier 1908… ». On remarque qu’elle se situe d’emblée dans un cadre temporel très précis.

Une transformation symbolique s’est produite dans la vie de "Simone de Beauvoir ". Nous allons assister, de page en page, à sa naissance, en vertu de la métamorphose de mademoiselle de Beauvoir, jeune bourgeoise catholique du début du XXe siècle, en celle que ses amis appelleront le Castor, une femme libre. Il est rare d'assister sur le vif à une pareille "invention de soi".

"J'accepte la grande aventure d'être moi ", écrit-elle, et cette phrase symbolise la difficile entreprise où elle se jette, courant tous les risques sans aide, avec sa prodigieuse vitalité et son ardent amour de la vie. En effet, ce n'est pas seulement comme femme qu'elle se cherche, c'est comme individu, et cela bien avant de faire la connaissance de Jean-Paul Sartre, en 1929. Quand nous tournons la dernière page, en 1930, un être nouveau existe, dont l'assurance et l'autonomie nous frappent.

Mémoires d'une jeune fille rangée


“Mémoires d'une jeune fille rangée” est une œuvre autobiographique de Simone de Beauvoir parue en 1958. L'œuvre décrit les 20 premières années de l'auteur (de l'entre deux guerres) et sa rencontre avec Jean-Paul Sartre. Elle décrit son éducation dans une famille bourgeoise désargentée et déclassée, sa révolte contre la vie toute tracée que sa mère lui propose: éducation dans une institution catholique et mariage arrangé avec un jeune bourgeois. Sa volonté d'engagement social et philosophique (le moteur même de son existence) est complètement marquée par son désir d'émancipation. La philosophie lui permet de se libérer de la morale rétrograde imposée par sa mère.

«Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m'assurerait une immortalité qui compenserait l'éternité perdue; il n'y avait plus de Dieu pour m'aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l'humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres? Je m'intéressais à la fois à moi et aux autres; j'acceptais mon "incarnation" mais je ne voulais pas renoncer à l'universel, ce projet conciliait tout; il flattait toutes les aspirations qui s'étaient développées en moi au cours de ces quinze années.»

La première impression qui frappe le lecteur, c’est la netteté des souvenirs de Simone de Beauvoir. Elle remonte jusqu’à ses trois ans et analyse avec une précision méticuleuse ses actes et pensées, et va ainsi jusqu’à ses vingt ans. Simone, loin d’avoir un regard indulgent sur elle-même, se dépeint parfois assez durement. On apprend que vers trois ans et demi, elle piquait de colères bruyantes, de crises violentes. Rangée, elle l’était durant  une certaine période de sa vie, elle adhère sans broncher au catholicisme exigeant de ses parents. Plus tard, les trop nombreuses incohérences qu’elle relève entre ce que la religion prescrit et ce que font réellement les croyants, la feront douter et puis tout bonnement rejeter la foi. Elle n’échappe pas au complexe d’Œdipe: petite fille à papa, elle voue une admiration immodérée à son père. Là encore, en grandissant, elle s’apercevra que tous les côtés de son père ne sont pas glorieux.

C’est étonnant de voir l’évolution rapide de ses pensées et la construction de sa personnalité. Elle a toujours lu énormément (d’abord des lectures qui ont reçu l’imprimature de ses parents, puis les auteurs interdits) et très jeune, elle écrit déjà des petites histoires.

 « Je ne savais trop si je souhaitais plus tard écrire des livres ou en vendre mais à mes yeux le monde ne contenait rien de plus précieux. »

Ses lectures jouent un rôle dans son évolution, suscitant toujours de nouvelles questions, de nouvelles remises en question. On sent très tôt la volonté de se construire elle-même (existentialiste, déjà ?) :

« Tel était le sens de ma vocation: adulte, je reprendrais en main mon enfance et j’en ferais un chef-d’œuvre sans faille. Je me rêvais l’absolu fondement de moi-même et ma propre apothéose . Pour de vrai, je ne me soumettais à personne: j’étais et je demeurerais toujours mon propre maître ».

Lorsqu’elle découvre qu’elle ne croit plus en Dieu, elle déclare: « La littérature m’assurerait une immortalité qui compenserait l’éternité perdue ».

 Adolescente, le sentiment qui domine chez Simone, c’est la solitude. Elle passe constamment d’un sentiment de vanité du monde, de son existence et de tout ce qu’elle pourrait y inscrire comme actions, à un grand enthousiasme. Vers l’âge de vingt ans, ne supportant plus ces états d’âme qui l’emmenaient très haut et très bas, elle arrive à une certaine stabilité.

 Elle consacre quelques belles pages à son amitié avec Zaza, qui a elle-même une destinée lourde à porter, puis l'ouvrage se clôture sur sa mort, qui dans le souvenir de Simone est liée à une forme de culpabilité : « Ensemble nous avions lutté contre le destin fangeux qui nous guettait et j’ai pensé longtemps que j’avais payé ma liberté de sa mort. »

 Intellectuellement, son parcours n’a rien à envier aux plus grands. Elle est par exemple reçue deuxième en philosophie générale, derrière Simone Weil… Elle cumulera deux années en une, histoire de hâter son indépendance. Pendant ces années d’étude, elle est admise dans le cercle très fermé composé de Sartre, Nizan et Herbaud pour préparer l’oral de philosophie. Pour comprendre l’évolution de sa relation avec Sartre, il faut lire le deuxième volet de ses mémoires: « La Force de l’âge »…

mercredi 14 mai 2014

Le Deuxième Sexe: Analyse


Le feminisme est un thème auquel on revient assez souvent même si on évite de toucher ce sujet, devenu déjà agaçant. Ce qui reste toujours problématique, c’est la définition des femmes: qu’est-ce que c’est qu’une femme? Toutes les femmes diffèrent des hommes elles ont un utérus. Tout de même, certaines femmes ne sont pas définies comme toutes les autres. Il y a deux sexes dans le monde, les femmes n’y sont pas du tout la minorité, il y a un équilibre entre les deux sexes mais on déclare que la féminité est en danger car une femelle humaine n’est pas forcément une femme. Autrefois, on créait des concepts pour indiquer comment doit être la femme. Aujourd’hui, l’idée de caractériser une femme d’une manière quelconque ou de la réduire à une simple chose est rejetée. Les philosophes du nominalisme déclarent que les femmes sont une partie des êtres humains et elles ne sont appelées « femmes » que d’une manière conventionnelle. Selon Dorothy Parker, les hommes autant que les femmes doivent être estimés comme des êtres humains. Et pourtant, les femmes ne sont pas des hommes. Si on rejette le concept féminin, cela ne veut pas dire qu’on rejette la présence des femmes. Enfin, les femmes qui se disent être égales des hommes n’exigent pas moins de respect masculin. Les femmes diffèrent des hommes par de nombreux caractéristiques: les vêtements, le visage, le corps, etc. Peut-être que ces différences vont disparaître plus tard mais pour le moment elles sont bien évidentes.

                                                                   

Le Deuxième Sexe

Paru en 1949, “Le Deuxième Sexe” est l'une des oeuvres majeures de Simone de Beauvoir, ainsi qu'un ouvrage de référence dans le combat des femmes pour la reconnaissance de leurs droits et l'obtention de l'égalité avec les hommes ; il explique également le sens philosophique de ce combat. Si le livre eut du succès dès sa parution, ce n'est qu'à partir de 1970 qu'il connut tout son retentissement, à l'heure où la lutte des femmes prit toute son ampleur, même si certains aspects peuvent paraitre contestables, voire dépassés.
Un terme ambigu qui désigne aussi bien une prédiction sur ce que sera l'avenir, que le caractère risqué et même aléatoire, hasardeux de cette prédiction. II marque souvent une réticence de la part de celui qui l'utilise. De ce fait, Simone de Beauvoir éprouve quelque réticence à prendre à son compte la formule de Rimbaud. Si elle semble en accepter l'aspect libérateur pour la femme, elle se montre très réservée sur le fait que les " mondes d'idées" féminins diffèreront de ceux des hommes.
« La femme se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle; elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le sujet, il est l’Absolu: elle est l’Autre »

 De l’accord des philosophes contemporains, "Le Deuxième Sexe "de Simone De Beauvoir est une œuvre révolutionnaire, car elle est la première féministe qui parvient à justifier ses positions par des thèses philosophiques et historiques. “Le deuxième Sexe” a une influence considérable sur les générations de femmes qui lui ont succédées. De Beauvoir défend la thèse suivante : l’inégalité homme/femme est historiquement et idéologiquement construite. Les femmes doivent reprendre possession de leur destin, non en tant que femme, mais en tant qu’homme comme les autres. Ainsi, la femme ne doit plus être « femme », autrement dit le sexe inférieur, l’Autre, mais un homme.

 Avec la parution de l'ouvrage “Le Deuxième Sexe”, Simone De Beauvoir sonne les heures sollennelles de sa vie. Le livre se vend à plus de 22 000 exemplaires dès la première semaine et occasionne la publication des articles contradictoires de Armand Hoog (contre) et de Francine Bloch (pour) dans la revue La Nef, et fait scandale au point que le Vatican le mette à l'index. François Mauriac, l'ennemi de toujours écrira aux Temps modernes : « à présent, je sais tout sur le vagin de votre patronne ». Le livre est traduit dans plusieurs langues et aux États-Unis, se vend à un million d'exemplaires et nourrit la réflexion des principales théoriciennes du Women's Lib. Simone De Beauvoir devient la figure de proue du féminisme en décrivant une société qui maintient la femme dans une situation d'infériorité. En totale rupture avec l'essentialisme, son analyse de la condition féminine à travers les mythes, les civilisations, les religions, l'anatomie et les traditions fait scandale, et tout particulièrement le chapitre où elle parle de la maternité et de l'avortement, assimilé à un homicide à cette époque. Quant au mariage, elle le considère comme une institution bourgeoise aussi répugnante que la prostitution lorsque la femme est sous la domination de son mari et ne peut en échapper. En outre, Simone de Beauvoir affirme que l’existence humaine est un jeu ambigu entre la transcendance et l’immanence, mais les hommes ont eu le privilège d’exprimer la transcendance à travers des projets, tandis que les femmes ont été contraintes à la vie répétitive et peu créative de l’immanence. De Beauvoir propose donc d’étudier comment cette relation radicalement inégale a émergé et comment elle se traduit. Il est à noter que Simone De Beauvoir présente "Le Deuxième Sexe" en deux grandes approches.

Le premier livre enquête sur les “Mythes et réalités” relatifs aux femmes générés par les points de vue anthropologique, biologique, psychanalytique, matérialiste, historique et littéraire. Dans chacune de ses analyses, De Beauvoir refuse le monisme causal : aucun d’entre eux ne suffit à expliquer l’oppression de la femme par l’homme, chacun participe dans la construction de la femme comme Autre de l’homme. Ainsi, les différences biologiques: grossesse, allaitement, menstruation etc. contribuent à la différence homme/femme mais ne saurait justifier la hiérarchie homme/femme. La biologie ou l’histoire est toujours interprétée d’un point de vue partial, celui de l’homme.

De Beauvoir analyse ensuite le rôle des mythes dans la construction de cette idéologie de la domination masculine, notamment le mythe de « l’éternel féminin». Ce mythe paradigmatique, qui intègre de multiples mythes de la femme (tels que le mythe de la mère, de la vierge, de la mère patrie, de la nature, etc.) tente de piéger la femme dans un idéal impossible en niant l’individualité et en refusant la singularité des femmes et de leurs situations. Ce mythe de l’éternel féminin a crée un idéal de femme, générant une attente toujours déçue. Les femmes réelles sont ainsi toujours perçues comme des fardeaux, des inachèvements.
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Le second livre commence avec la phrase la plus célèbre de Simone de Beauvoir: “On ne naît pas femme, on le devient“. De Beauvoir cherche à détruire l’essentialisme qui prétend que les femmes sont nées femmes, mais au contraire sont construites telles par l’endoctrinement social. De Beauvoir appuie cette thèse en retraçant l’éducation de la femme depuis son enfance, en passant par son adolescence jusque dans ses relations sexuelles. A chaque étape, Simone De Beauvoir illustre comment les femmes sont forcées d’abandonner leurs revendications à la subjectivité transcendante et authentique au profit d’une acceptation d’un rôle «passif» et «aliéné», laissant à l’homme le rôle actif et subjectif. De Beauvoir étudie les rôles d’épouse, de mère, et de prostituée pour montrer comment les femmes, au lieu de se transcender par le travail et la créativité, sont réduites à des existences monotones, au rôle de mère et de maîtresse domestique et celui de réceptacle sexuel de la libido masculine.

 Cependant, un malentendu commun sur De Beauvoir consiste à croire que la femme n’est plus libre. Il faut se souvenir que De Beauvoir est une philosophe existentialiste, autrement dit qu’elle considère la liberté ontologique des êtres comme absolue: l’homme ne détruit pas la liberté de la femme en objectivant la femme, mais il tente d’en faire un objet. La femme reste une transcendance, transcendée par la transcendance masculine, ou formulée autrement : une transcendance transcendée.

 Néanmoins, et c’est là toute la complexité et subtilité de l’analyse de Simone De Beauvoir, les femmes peuvent être responsables et participées à leur propre suggestions. De Beauvoir distingue ainsi 3 conduites inauthentiques dans lesquelles les femmes fuient leur condition de transcendance pour se fixer dans des croyances et des valeurs pré-déterminées. Ces trois attitudes, formant autant de tableaux sont: la narcissique, l’amoureuse et la mystique. Ces trois catégories ont en commun la fuite de leur liberté au profit de l’objet. Dans le cas de la narcissique, l’objet est elle-même, dans celui de l’amoureuse, son bien-aimé et dans celui de la mystique, l’absolu ou Dieu.

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 Bref, Simone De Beauvoir formule en conlusion des recommandations pratiques pour favoriser l’émancipation de la femme. Tout d’abord, elle exige qu’on permette à la femme de transcender à travers ses propres projets. En tant que tel, la femme moderne “se targue de penser, d’agir, de travailler, de créer dans les mêmes conditions que les hommes. Au lieu de chercher à les dénigrer, elle se déclare leur égal”.

Afin d’assurer l’égalité de la femme, Simone de Beauvoir préconise de tels changements dans les structures sociales telles que: la légalisation de la contraception et de l’avortement, la liberté économique de la femme et son indépendance à l’égard de l’homme. En ce qui concerne le mariage, De Beauvoir le voit comme un obstacle à la libération des femmes car il fixe dans une institution les rôles archaïques de mari, patron de la famille et celui de l’épouse, son esclave domestique.

mardi 13 mai 2014

Chronologie des oeuvres de Simone De Beauvoir


1943 : L'Invitée, roman

1944 : Pyrrhus et Cinéas, essai

1945 : Le Sang des autres, roman

1945 : Les Bouches inutiles, pièce de théâtre

1946 : Tous les hommes sont mortels, roman

1947 : Pour une morale de l'ambiguïté, essai

1948 : L'Amérique au jour le jour, récit

1949 : Le Deuxième Sexe, essai philosophique

1954 : Les Mandarins, roman

1955 : Privilèges, essai

1957 : La Longue Marche, essai

1958 : Mémoires d'une jeune fille rangée, récit autobiographique

1960 : La Force de l'âge, récit autobiographique

1963 : La Force des choses, récit autobiographique

1962 : Djamila Boupacha en collaboration avec Gisèle Halimi et des témoignages de Henri Alleg, Mme Maurice Audin, Général de Bollardière, R.P. Chenu, Dr Jean Dalsace, J. Fonlupt-Esperaber, Françoise Mallet-Joris, Daniel Mayer, André Philip, J.F. Revel, Jules Roy, Françoise Sagan, un portrait original de Picasso et un hommage des peintres Lapoujade et Matta;

1964 : Une mort très douce, récit autobiographique

1966 : Les Belles Images, roman

1967 : La Femme rompue, roman

1970 : La Vieillesse, essai

1972 : Faut-il brûler Sade?, essai, reprise de Privilèges

1972 : Tout compte fait, récit autobiographique

1979 : Quand prime le spirituel, roman

1981 : La Cérémonie des adieux suivi de Entretiens avec Jean-Paul Sartre : août - septembre 1974, récit autobiographique



Œuvres posthumes


Sylvie Le Bon de Beauvoir, héritière de l'œuvre de Beauvoir, a traduit, annoté et publié de nombreux écrits de sa mère adoptive, en particulier sa correspondance avec Sartre, Bost et Algren. Ce travail colossal et qui restitue parfaitement le style Beauvoir lève le rideau sur la vie intime de Beauvoir, en révélant sans ambiguïté sa bisexualité et son exaspération vis-à-vis de certaines proches encore vivantes au moment de la publication, telle que sa sœur Hélène (qui en fut anéantie) ou encore ses anciennes amantes.

Lettres à Sartre, tome I : 1930-1939, 1990

Lettres à Sartre, tome II : 1940-1963, 1990

Journal de guerre, septembre 1939 - janvier 1941, 1990

Lettres à Nelson Algren, traduction de l'anglais par Sylvie Le Bon, 1997

Correspondance croisée avec Jacques-Laurent Bost, 2004

Cahiers de jeunesse, 1926-1930, 2008

La vie et l'oeuvre de Simone De Beauvoir


Femme de lettres française, Simone de Beauvoir est reconnue dans le monde entier grâce à son essai féministe intitulé le Deuxième sexe. Sa relation amoureuse et particulièrement marginale pour l’époque avec le philosophe et écrivain Jean-Paul Sartre lui confère un statut particulier de femme indépendante et totalement libérée.

Le rejet d’un enseignement religieux

Simone Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir vient au monde le 9 janvier 1908, au sein d’une famille catholique relativement aisée. Aînée d’une famille de deux enfants, elle reçoit une éducation maternelle sévère et traditionnelle. Enfant, elle étudie à l’Institut Désir, une école catholique. Elle rejette très tôt ces enseignements en se déclarant totalement athée. Elle se découvre alors une profonde passion pour la lecture et l’écriture. Dès 1926, elle s’inscrit à des cours de philosophie dispensés à la Sorbonne. Elle obtiendra l’agrégation trois ans plus tard avec un résultat plus que satisfaisant. Elle enseignera sa discipline à Marseille, puis à Rouen et à Paris. Toutefois, non comblée par cette profession, elle l’abandonne en 1943 pour suivre une carrière littéraire. Son premier roman, l’Invitée, met en scène des rapports amoureux embrasés par le sentiment de jalousie, au sein d’une relation tripartite.

 Disciple et compagne de Jean-Paul Sartre

En 1929, sa rencontre avec l’existentialiste Jean-Paul Sartre marque un tournant décisif dans son existence et dans sa conception de la vie. Tous deux nouent une relation intellectuelle et affective très forte mais ne se conforment pas à la vie maritale. Ils se refusent en effet à partager le même toit. Jusqu’à la mort du philosophe, ils vivront ainsi dans l’anticonformisme le plus total. Les liaisons extérieures font partie intégrante de leur relation, qui va parfois jusqu’à inclure une tierce personne dans leur jeu amoureux. Le rapport que Simone de Beauvoir entretient avec son amant illustre parfaitement ses réflexions sur la position de la femme au sein de la société et sur le rapport à l’autre en général. 

Un écrivain particulièrement engagé

Les idées qui fleurissent dans l’esprit de Simone de Beauvoir sont marquées très tôt par un fort engagement politique. Dès 1926, elle intègre un mouvement socialiste. En 1945, Jean-Paul Sartre crée les Temps modernes, une revue de gauche dans laquelle elle écrira de nombreux articles. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, ses engagements politiques redoubleront d’intensité.

 Elle fait preuve également d’un engagement très prononcé envers la condition féminine. En 1949, elle publie un essai intitulé le Deuxième sexe. Dans des considérations toujours proches de l’existentialisme, elle prône la libération et l’émancipation de la femme dans la société. À travers une étude historique, scientifique, sociologique et littéraire, elle tente de démontrer à quel point la femme est aliénée par l’homme. L’unique moyen de s’y soustraire serait alors d’acquérir une indépendance totale. Cet ouvrage scandalise la haute société mais sera soutenu par Lévi-Strauss et deviendra le socle des premiers mouvements féministes.

Une culture du voyage

Dès 1947, Simone de Beauvoir se lance à la découverte du monde. Elle se rend tout d’abord aux Etats-Unis, où elle rencontrera son amant Nelson Algren, puis parcourt l’Afrique et l’Europe. En 1955, elle débarque en Chine. Elle découvre Cuba et le Brésil au début des années 1960, puis séjourne en URSS. Ses différents périples à l’étranger lui permettent d’enrichir ses ouvrages, qu’elle ne néglige à aucun moment.
En 1954, son roman les Mandarins remporte le prix Goncourt. Elle abandonne toutefois le genre romanesque pour se consacrer aux essais et aux ouvrages autobiographiques. En 1958 paraît Mémoires d’une jeune fille rangée, suivi de la Force de l’âge et de la Force des choses. À travers cette fresque autobiographique, elle propose un exemple d’émancipation féminine et poursuit son étude sur le comportement et la responsabilité des hommes au sein de la société.




Simone de Beauvoir par elle-même:

"On a forgé de moi deux images. Je suis une folle, une demi-folle, une excentrique.  J'ai les moeurs les plus dissolues; une communiste racontait, en 45, qu'à Rouen, dans ma jeunesse, on m'avait vue danser nue sur des tonneaux; j'ai pratiqué tous les vices avec assiduité, ma vie est un carnaval, etc." (La force des choses)

"Souliers plats, chignon tiré, je suis une cheftaine, une dame patronnesse, une institutrice (au sens péjoratif que la droite donne à ce mot). Je passe mon existence dans les livres et devant ma table de travail, pur cerveau.  Rien n'interdit de concilier les deux portraits.  L'essentiel est de me présenter comme une anormale." (Ibid)

" Économiquement je suis une privilégiée. Certains censeurs me reprochent cette aisance: des gens de droite, bien entendu; jamais à gauche on ne fait grief de sa fortune à un homme de gauche, fût-il milliardaire; on lui sait gré d'être de gauche. L'idéologie marxiste n'a rien à voir avec la morale évangélique, elle ne réclame à l'individu ni ascèse, ni dénuement: à vrai dire, elle se fout de sa vie privée." (Ibid)


Une perte qui la tue à petit feu

Simone de Beauvoir est particulièrement affectée par la perte de Jean-Paul Sartre, son compagnon de plus de trente années , qu’elle considère avec fatalisme. Elle s’éteint en 1986, à l’âge de  78 ans et reposera au cimetière Montparnasse à Paris. Écrivain et essayiste, disciple du mouvement existentialiste, Simone de Beauvoir est considérée comme le précurseur du mouvement féministe français. Son œuvre fut grandement influencée, et illustrée par sa relation anticonformiste avec le philosophe Jean-Paul Sartre.

lundi 12 mai 2014

L’existentialisme


Quoiqu’il n’y ait plus de grandes écoles littéraires dans l’après-guerre, on peut qualifier les oeuvres dans la période 1945-1955 comme existentialistes. Au début, l’existentialisme est plutôt un mouvement philosophique que littéraire. Il est le produit d’un climat négatif et pessimiste qui s’est constitué sous l’influence de divers éléments : la crise économique en 1929, la guerre destructive, l’angoisse et les progrès techniques qui réduisent l’individu à un individu producteur.
Les écrivains ne croient plus à un homme idéal, gouverné par des valeurs morales. L’homme est jeté sans raison dans un monde qui n’a pas de sens. Ils ne peuvent que se raccrocher à leur propre existence individuelle. La solitude de leurs héros est absolue : ils ne participent ni à la société, ni à l’histoire.
Dans l’existentialisme il y a en gros deux tendances:
 1) Celle qui met en valeur labsurdité de la vie.
Les ouvrages de Jean-Paul Sartre: Le mur, La nausée, Les Mouches, Huis Clos, Les Mains sales
 Certains livres dAlbert Camus: L’Étranger, Le mythe de Sisyphe.
 2) Celle qui met en valeur la solidarité, lengagement, le service social qui peut surmonter l’absurdité originelle de la vie.
Le féminisme de Simone de Beauvoir: Mémoires dune jeune fille rangée, Le deuxième sexe.
 Dautres livres dAlbert Camus: La Peste, Lhomme révolté.
 Bref cette semaine nous vous presentons la vie et l’oeuvre de  Simone De Beauvoir, la compagne litière de Jean –Paul Sartre, celle qui l’accompagnait dans cette nouvelle philosophie de l’engagement qui va bouleverser le monde au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle. Voici ce qu'a écrit Simone De Beauvoir à propos de Jean-Paul Sartre:

"Il y a eu dans ma vie une réussite certaine: mes rapports avec Sartre. En plus de trente ans nous ne nous sommes endormis qu'un seul soir désunis. Ce long jumelage n'a pas atténué l'intérêt que nous prenons à nos conversations; nous disposons pour saisir le monde des mêmes instruments, des mêmes schèmes, des mêmes clefs: très souvent l'un achève la phrase commencée par l'autre; si on nous pose une question il nous arrive de formuler ensemble des réponses identiques.  Nous ne nous étonnons plus de nous rencontrer dans nos inventions mêmes; j'ai lu des réflexions notées par Sartre vers 1952 et que j'ignorais; j'y ai découvert des passages qui se retrouvent, presque mot pour mot, dans mes Mémoires, écrits près de dix ans plus tard. Nos tempéraments, nos orientations, nos choix antérieurs demeurent différents et nos oeuvres se ressemblent peu. Mais elles poussent sur un même terreau."  (La force des choses)
"Ce n'est pas un hasard si c'est Sartre que j'ai choisi: car enfin je l'ai choisi. Je l'ai suivi avec allégresse parce qu'il m'entraînait dans les chemins où je voulais aller; plus tard, nous avons toujours discuté ensemble notre route. Reste que philosophiquement, politiquement, les initiatives sont venues de lui. Sartre est idéologiquement créateur, moi pas; acculé par là à des options politiques, il en a approfondi les raisons plus que je n'étais intéressée à la faire: c'est en refusant de reconnaître ces supériorités que j'aurais trahi ma liberté; je me serais butée dans la lutte des sexes et qui est le contraire de l'honnêteté intellectuelle. Mon indépendance, je l'ai sauvegardée car jamais je ne me suis déchargée sur Sartre de mes responsabilités: je n'ai adhéré à aucune idée, aucune résolution sans l'avoir critiquée, et reprise à mon compte."  (Ibid)