mercredi 9 juillet 2014

Analyse des oeuvres de Michel Foucault



1) Surveiller et Punir:

Une histoire du système pénal et du pouvoir

Publié en 1975, l’ouvrage de Michel Foucault Surveiller et punir est une histoire du système pénal moderne rattaché à la philosophie politique. Foucault cherche à analyser le concept de “peine” dans son contexte social et le rattachant aux évolutions du pouvoir.


Les punitions avant la Révolution

Foucault ouvre son analyse par une description de la situation avant le XVIIIe siècle, lorsque l’exécution publique et les châtiments corporels constituaient les peines principales, et la torture faisait partie de la plupart des enquêtes criminelles. La punition était cérémonial et dirigée vers le corps du prisonnier. C’était un rituel dans lequel le public est important. L’Exécution publique vise à rétablir l’autorité et la puissance du roi.


La peine au XVIIIè : vers la discipline

Au XVIIIe siècle, les réformateurs voient la peine comme un système complexe  de représentations et des signes devant servir d’exemples pour contrecarrer la délinquance. Mais la prison n’est pas encore imaginable en tant que pénalité. Avant d’arriver à la ville punitive, la notion de discipline s’est développée : la discipline est un ensemble de techniques par lesquelles les opérations de l’organisme peuvent être contrôlés. Ainsi, les corps sont contrôlés dans leur mouvement spatio-temporels. Ceci est réalisé par le biais des calendriers et des exercices militaires. Grâce à la discipline, les individus deviennent une masse. Le pouvoir disciplinaire repose sur trois éléments: l’observation hiérarchique, la normalisation du jugement et l’examen. L’observation et le regard deviennent les instruments clés du pouvoir. Par ces processus, la notion de la norme fait jour dans les sociétés, ce que décrivent très bien les sociologues, Durkeim en tête.


Le panopticon de Bentham

Le pouvoir disciplinaire est illustré par Panopticon de Bentham, une sorte de prison idéale fondée sur la surveillance de tous par tous. Selon Foucault, les institutions sur le modèle du panoptique se répandent dans toute la société. La prison se développe à partir de cette idée de la discipline. Elle vise à la fois à priver l’individu de sa liberté et à le réformer. Le pénitencier désigne l’étape supérieure, en combinant la prison et l’hôpital. Le pénitencier substitue le prisonnier au délinquant. Le délinquant, rétif à l’ordre imposé, est ainsi marginalisé afin de contrôler le comportement du peuple.
Cependant, Foucault ne critique pas l’échec des prisons, parce que l’échec fait partie de sa nature même. C’est précisément l’objet du système carcéral que d’échouer, de produire de la délinquance afin de structurer et de contrôler la criminalité. Par conséquent, celui qui appelle à une simple réforme du système carcéral méconnaît sa nature :
 “La notion de gouvernement doit être entendue au sens large de techniques et procédures destinées à diriger  la conduite des hommes”.

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2) Les Mots et les Choses:


Les Mots et les Choses est l’un des ouvrages les moins bien compris de Michel Foucault. La méthode, l’érudition et le style de Foucault y brouillent la vision des philosophes : on est tenté d’y voir un long cours de philosophie ou d’histoire de la philosophie. Si bien que le philosophe qui lit les Mots et les Choses cherche les concepts, et les trouve, ces concepts qui commencent à former un grand système résolument nouveau en déroulant une histoire des sciences humaines. Mais la philosophie n’est pas l’enseignement de la philosophie. L’expérience d’un philosophe ne se conforme pas a priori au format académique de la pensée philosophique : l’agencement de concepts. En effet, Les Mots et les Choses est avant tout une lutte avec le discours. La constitution de la pratique moderne du discours est l’objet du livre mais de quoi s’agit il concrètement ?

Les Mots et les Choses n’est pas tant l’histoire de la constitution des sciences humaines, pas plus que celle du discours. Ce qui importe n’est pas en premier lieu les linéaments hésitants de Foucault dans son histoire de la vérité, que l’hésitation elle même, ou plutôt faudrait-il dire la lutte de Foucault avec les mots pour l’instauration de cette nouvelle pratique discursive critique. Celle-ci  prend pour objet le discours en tant que sujet historique. Mais cette instauration posait problème, car la possibilité même de l’analyse historique critique du discours demandait à être fondée au sein du discours. Pour le dire plus simplement : discourir sur les modes de constitution du discours avait pour préalable de forger dans la langue une seconde langue qui se prête à cette analyse.

La première grande difficulté du livre, et sa beauté, réside donc dans la double mise en abîme du discours : Foucault lutte avec le discours pour constituer à l’intérieur de ce discours la possibilité d’une lecture critique historique de la pratique discursive. Plus tard, dans l’Histoire de la Sexualité par exemple, la pratique discursive proprement foucaldienne est assurée et cette lutte du discours sur lui même, ce questionnement intérieur du discours, critique et historique, à cessé : le discours foucaldien existe et se déploie. Mais les Mots et les Choses est le spectacle d’un Foucault qui forge dans le discours, qui prépare, qui rend possible ce que sera plus tard le discours foucaldien. Foucault visite l’espace discursif moderne, l’examine et l’étudie pour y graver la possibilité d’une analyse critique historique des discours, et cette inscription est un acte de violence faite au même titre au discours (le sien) et aux discours (qui sont ses objets).

Ainsi le livre est simultanément démonstratif et programmatique, et ne constitue donc absolument pas le compte rendu théorique et intelligible d’un cheminement analytique rationnel. Démonstratif car il est le spectacle, comme une nouvelle voie ouverte, d’une forme d’analyse non déductive : analyser dans l’histoire la constitution du discours. Programmatique car le discours qui analyse, c’est à dire le régime discursif nouveau qui rend possible cette analyse dans le livre, et bien ce discours n’a de cesse de s’appuyer sur l’objet de son analyse pour situer ce régime nouveau qu’il entend lui même déployer. Foucault analyse la formation du discours moderne et s’appuie sur cette analyse pour faire exister un nouveau régime d’analyse. Il démontre la possibilité et à la fois programme l’analyse critique des discours en tant que sujets de l’histoire.
Si bien que mille ponts s’établissent entre Foucault qui parle et les objets historiques dont il parle : par la critique historique des discours, il fait exister un nouveau régime discursif ; ce discours nouveau s’appuie alors sur ses propres objets pour exister, et simultanément son existence fait voir les discours dont il se saisit sous un jour nouveau. La possibilité de dresser ce discours nouveau, fondée exclusivement sur l’existence historique de ses objets à l’exclusion de tout autre impératif (comme la logique, le suivi des règles de la raison, l’expérience du discours telle qu’elle se donne au sujet humain) fait voir les discours objets comme les résultats de circonstances historiques qu’il convient alors d’étudier.

Quel est alors l’apport essentiel du livre ? La question est mal posée : Les Mots et les Choses n’apporte pas un concept ou une méthode. C’est le show, la preuve par l’exemple, le spectacle bélliqueux, d’un locuteur qui fait violence au discours pour faire entendre par un discours que le discours n’est pas le lieu de la vérité, mais une technologie de l’histoire. Foucault replie le discours sur lui même, et dans le mouvement de cette torsion fait apparaître une dimension nouvelle de l’art de discourir.

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