Les philosophes de l’existence se distinguent essentiellement par leur conception de l’existence. Que faut-il entendre par « existence » ?
On parle souvent de l’être comme de ce qui est ou ce qui fait être quelque chose. Ce qu’on est, touché à son essence, à sa nature, à sa quiddité. Mais le fait qu’on est, c’est-à-dire, son acte d’être selon Aristote désigne son existence. Certains philosophes dont Platon pensent que sont d’abord donnés des êtres possibles, c’est-à-dire de pures essences. C’est à elles que s’ajouterait l’existence. Mais en réalité, une essence peut-elle être donnée sans existence ?
Il semble illusoire de prendre l’être possible pour de l’être, le possible n’est pas une essence. Ce n’est que l’idée d’une essence. Mais dans une philosophie où l’Idée est fondamentale, on peut conférer l’essence à l’idée d’une essence. Cette idée existe dans l’intelligence de celui qui le conçoit parce qu’il est. Alors que Sartre aurait préféré dire, il est parce qu’il existe. Si ce qu’on est (essence) existe en chaque être, c’est encore en lui qu’est le fait qu’il est (existence). C’est pourquoi Thomas d’Aquin écrivait que« l’existence est ce qu’il y a de plus intime en chaque chose et ce qu’il y a en toute chose de plus profond. » C’est par rapport à l’acception classique de l’existence que les existentialistes se positionneront.
Le premier, Kierkegaard, serait parti de Hegel
qui considérait l’existence comme une simple propriété de l’essence.
Contrairement au maître, l’existentialisme de Kierkegaard soutient la primauté
de l’existence sur l’essence. Exister pour l’homme, c’est être libre et
responsable, c’est choisir, s’engager, se passionner. L’existant fait l’épreuve
de l’angoisse par laquelle il scrute ses abîmes et butte contre le
Transcendant.
Pour Jaspers,
le Dasein, c’est la condition humaine, le symbole de la Transcendance.
L’existence est un déchirement entre notre présence dans le monde et notre
aspiration à une transcendance. L’existence est un idéal de notre moi
empirique, elle exprime notre possibilité la plus profonde qui ne se réalise
pleinement que dans la communication. Mon existence la plus intime est
incommunicable et indescriptible.
Chez Sartre, on existe dans la
mesure où on s’affirme, on se pose, on se choisit librement. Sinon, on cesse
d’exister. L’essence, ce n’est pas ce qu’est une chose pour moi, mais c’est sa
valeur. L’homme n’est d’abord rien, il n’est que ce qu’il se fait. C’est en
cela que l’existence précède l’essence. L’existence de l’homme sartrien, c’est
sa liberté. Son existentialisme qui replace l’essence dans l’existence veut
partir de la subjectivité pour donner sens aux choses.
Pour Gabriel
Marcel, l’existence suppose la conscience comme signe de l’existence. Mon
corps me permet de prendre conscience des existants qui alimentent ma
connaissance, mon affectivité et mon action. Celui qui existe, c’est celui-là
qui est conscient de son être. Mon existence propre est à peine de l’être, elle
appelle l’être sans fin et sans limites. Sans nier le tragique de la vie et
l’expérience de l’angoisse, de l’échec, de la solitude et de la mort, Gabriel
Marcel propose à l’homme de faire une expérience existentielle qui l’achemine
vers l’absolu.
Pour Heidegger,
les choses sont, tout simplement ; ce sont des étants. Seul l’homme
existe. Sa philosophie est plus existentiale qu’existentielle. Car,
contrairement à Jaspers et Sartre, il ne s’arrête pas à l’existence concrète
mais veut déterminer les caractéristiques générales de l’existence : les
structures ontologiques de l’existence. La description de l’être a pour but
d’atteindre l’être même, ce qui est. La philosophie doit être une ontologie. Ce
qui constitue l’être de l’homme c’est le temps, c’est la contingence,
l’être-pour-la-mort. Etre et Temps de Heidegger prend le
chemin de la question de l’être et de son élucidation par le temps.
C’était en quelques jets et à grands traits une première peinture de
l’existentialisme. Ces différentes approches du concept d’existence ne cessent
d’éclairer rétrospectivement la continuité d’un courant philosophique composite
et riche de nuances. L’atelier des concepts reviendra sur l’existentialisme
athée et l’existentialisme chrétien dans leurs sinuosités et harmoniques
distinctives, un parallèle soumis cette semaine à notre analyse.
Postmodernisme et post-structuralisme
La philosophie postmoderne est particulièrement identique au post-structuralisme. Considérer les deux comme semblables ou principalement différents dépend le plus souvent de l'implication personnelle vis-à-vis de ces questions. Les personnes opposées au postmodernisme ou au post-structuralisme rassemblent fréquemment les deux en un. De l'autre côté, les partisans de ces doctrines font des distinctions plus subtiles. Jacques Derrida, dans L'écriture et la différence, (surtout l'article «Force et signification»), 1967, part du structuralisme pour mieux le dépasser dans sa propre théorie de l'écriture et de l'invention littéraire.
Le livre "Les mots et les choses" de Michel
Foucault a été associé au structuralisme, mais l'auteur lui-même a nié
représenter ce courant intellectuel.
Critiques de la philosophie
postmoderne
La méthode d'écriture employée par les philosophes
postmodernes a été critiquée de manière virulente par les physiciens Alan Sokal
et Jean Bricmont. Alan Sokal, contestant l'usage – selon lui abusif ou
inapproprié – de termes issus des sciences-physiques dans un contexte
philosophique ou social, produisit un faux construit à partir de citations
tirées d'ouvrages ou d'articles reconnus comme «postmodernes». Il soumit cet
article à la revue Social Text qui l'accepta. Il révéla la supercherie dans un
second article. Cette publication déclencha une controverse connue sous le nom
d'«affaire Sokal». Les deux auteurs d'Impostures intellectuelles (1997) furent
soutenus dans leur démarche par d'autres intellectuels et surtout par le
linguiste Noam Chomsky et le philosophe Jacques Bouveresse. Les philosophes mis
en cause contestèrent la méthode et soutinrent que la condition de physicien
d'Alan Sokal ne lui permettait pas d'appréhender la portée symbolique ou
métaphorique de l'usage de termes physiques ou mathématiques. Bruno Latour
publie en 1991 Nous n'avons jamais été modernes : Essai d'anthropologie
symétrique en s'inscrivant dans une tradition philosophique qu'il qualifie de
«non-moderne», par opposition aux modernes ainsi qu'aux postmodernes.
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